Test de déplacement des s «La mairie de Paris ampute notre capitale de son patrimoine singulier»

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FIGAROVOX/TRIBUNE – La mairie de Paris a réalisé ce vendredi un test de déplacement des boîtes à livre en vue des Jeux Olympiques 2024. Pour l’écrivain Thomas Morales, cette mesure, prise pour des raisons de sécurité, revient à reléguer un mythe collectif.

Thomas Morales est écrivain et chroniqueur à Causeur. Dernier ouvrage paru: Monsieur Nostalgie (éd. Héliopoles, 2023).


L’émoi n’est toujours pas retombé. La discorde enfle. Les éléments de langage fourmillent, de part et d’autre. Dans une France soumise aux diktats de l’émotion, où notre affection est concurrencée, chaque jour, par de nouveaux faits divers, toujours plus dramatiques, odieux et insolubles, qui aurait pensé, que deux mois après, l’affaire des bouquinistes vire à la polémique et au plan de crise municipal ? Que les réseaux sociaux versatiles par essence persistent dans leur défense d’une profession bien fragile face à l’ogre olympique ? C’est, peut-être, le début d’une prise de conscience et le clap de fin de nos défaites successives.

Pétitions virtuelles, reportages dans les JT, micros-trottoirs, écrivains professionnels à la rescousse, touristes étrangers, provinciaux et parigots, professeurs et badauds, lecteurs occasionnels ou papivores maladifs ; instinctivement, naturellement, sans concertation, sans lobbys en arrière-plan, sans intérêt économique majeur en jeu, toutes les personnes sensées ont pris le parti des boîtes vertes face aux anneaux de Coubertin. Et maintenant, l’Académie française, voisine de palier de ce microdrame national en marche, entre dans la danse médiatique en s’inquiétant d’une telle dérive. Quoi, on attaquerait le livre en plein cœur de la capitale, devant les fenêtres des immortels ? Le savoir n’abdiquera pas pour une question de sécurité et de mobilité. Cette précaution qui s’ajoute à tant de reculades dans notre espace public est un affront aux mythes de la lecture, du décor des bords de Seine, du Paris intello et poulbot, de Sempé à Fargue, des forces de la fiction à la réalité d’un métier en voie de disparition.

Il y a des signes extérieurs de la culture au sens large qu’il serait impardonnable de biffer par arrêté.

Thomas Morales

Il n’est pas très judicieux de contrarier les mythes, ils pourraient se venger. Une précaution de trop qui rapetisse Paris au rang d’une ville amnésique, manquant de panache et d’autocritique, prête à amputer ses quais pour se conformer aux règles et bafouer sa sainte singularité. Comme si les petites boîtes vertes pouvaient sérieusement entraver le bon déroulement d’une cérémonie d’ouverture, qui accordons-lui cette audace, se tiendra à l’air libre, sur le lit du fleuve en 2024. N’aurait-ce pas été justement, l’occasion d’afficher l’insolente permanence de Paris à travers les âges, de braquer les caméras sur ce qui fait son sel et sa mémoire, son pittoresque et son onde nostalgique, son folklore et aussi son pouvoir d’abstraction ?

Les bouquinistes sont comme les immeubles à double entrée dans les romans de Modiano, des passes pour l’éternité. Vouloir les démonter et les déplacer, même le temps fugace de la manifestation, s’apparente à une renonciation et à une relégation honteuse. Cachez ces «verrues», le monde nous épie et nous note, voilà comment les Français ont jugé cette décision hâtive. Il y a des signes extérieurs de la culture au sens large qu’il serait impardonnable de biffer par arrêté. Ne pas faire allégeance perpétuellement à une forme de modernité dévastatrice, agressive, froide et oublieuse, serait perçu comme une indépendance d’esprit salutaire.

Qu’il est grand et beau de s’attacher à nos « vieilleries », le suc des nations éclairées.

Thomas Morales

En ce mois d’octobre qui célèbre le centenaire de la naissance d’Italo Calvino, lui qui vécut treize ans dans la capitale, écrivait que «nous pouvons interpréter Paris comme un livre des rêves, comme un album de notre inconscient, comme un catalogue de monstres». Les bouquinistes s’inscrivent en effet dans notre inconscient collectif. Et dans un pays qui lit moins, où le souvenir de Guitry et Huysmans s’efface, ces boîtes modestes, désuètes, fatiguées souvent, ne supportant aucun dérangement, ne rapportant que peu à leurs locataires, presque invisibles à force d’avoir été toujours là, nous touchent intimement. Les sacrifier durant une quinzaine de jours nous apparaîtrait comme une outrance supplémentaire. Inutile et blessante. Notre pays n’a pas besoin ces humiliations-là. Qu’il est grand et beau de s’attacher à nos «vieilleries», le suc des nations éclairées.

De mémoire de chroniqueur, je n’avais jamais vu un tel engouement qui dépasse les clivages politiques. Souvent, on écrit dans l’urgence et l’actualité annihile la portée de notre papier. Il est déjà caduc au moment de sa parution. Sur ce sujet précisément, j’ai ressenti qu’au-delà du côté Clochemerle, surgissait un véritable sentiment de dépossession. Il est encore temps de réparer cette injustice. Laissons à Marc Alyn dans Paris point du jour, le soin de clore le débat : «ainsi les bouquinistes apparaissent-ils comme les derniers rebelles, au même titre que les poètes à la famille desquels, d’évidence, ils appartiennent».

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