Festival d’automne : Madeleine Fournier, la danse reliée au monde

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La danseuse et chorégraphe utilise la couleur rouge par touches dans tous ses spectacles, ici en 2020. La danseuse et chorégraphe utilise la couleur rouge par touches dans tous ses spectacles, ici en 2020.

« Labourer » : il y avait longtemps que l’on n’avait pas entendu ce verbe, lorsque Madeleine Fournier a choisi d’en faire le titre de son premier solo, créé en 2018. Et il a suffi d’un mot pour que nous sautions à pieds joints dans le champ de cette jeune chorégraphe et battions la campagne avec elle autour de toutes les significations de ce terme agricole.

Avec cette pièce bondissante centrée sur le pas de bourrée, figure de la danse traditionnelle et classique, Madeleine Fournier imposait sa silhouette malicieusement instable, sautant d’un pied sur l’autre, claquant des semelles en faisant virevolter ses gants aussi rouges que ses joues et son gloss. « Le rouge est une couleur qui peut avoir plusieurs significations et évoquer notamment le sang, confie-t-elle. Par ailleurs, enfant, je rougissais facilement, et me peindre en rouge permet de dissimuler et de révéler en même temps ce surgissement de l’intimité lié à l’émotion, au désir, à la honte ou à l’effort physique. »

Madeleine Fournier parle simple et franc. D’elle, du corps, du féminin… La page d’ouverture de son site Internet met en avant une sculpture grecque Baubo, les jambes écartées, une main sur son sexe. « C’est une figure de la mythologie liée aux mystères d’Eleusis et à Déméter, qui associe la vérité, le rire et la joie en montrant son sexe, précise-t-elle. J’aime ce qui peut évoquer plusieurs choses en même temps. » Comme dans Labourer, où elle explore d’un revers de talon différents états physiques autour de la question des cycles, ceux des plantes, des animaux, des humains…

« Laisser monter les gestes »

Ce labourage extra-large, pour lequel Madeleine Fournier s’est initiée à la bourrée traditionnelle à trois temps, dans le cadre de l’association Les Brayauds, basée à Saint-Bonnet-près-Riom (Puy-de-Dôme), a donné l’élan à Branle, son nouvel opus, pour huit interprètes, qui s’enracine dans la bourrée à deux temps. « Elle se compose d’une double ligne de danseurs qui se font face et se rapprochent et s’éloignent, décrit-elle. Pas de contact physique entre eux, car il n’y a pas de mouvements de bras, mais beaucoup des jambes. » Elle a travaillé, ainsi que les interprètes, avec Solange Panis, experte en danses et chants traditionnels berrichons.

Avec le bal, son cercle, son excitation et son désir d’ivresse en bandoulière, elle ajoute : « Il s’agira moins d’inventer de nouveaux mouvements que de laisser monter les gestes et les affects de notre inconscient collectif, ou, comme le dit Carl Gustav Jung, “le dépôt constitué par toute l’expérience ancestrale depuis des millions d’années”. » Quant à la présence de deux musiciens en direct sur le plateau, elle souligne combien cette exploration a été « libératrice ». « Pendant mes études au Conservatoire de Paris, j’ai appris à dissocier danse et musique, commente-t-elle. C’est passionnant, mais je suis heureuse d’avoir retrouvé ce moteur musical et son pouvoir fusionnel et émotionnel. »

La trajectoire de Madeleine Fournier prend appui sur des apprentissages solides. Après le Conservatoire national de musique et de danse à Paris, elle enchaîne avec le Centre national de danse contemporaine d’Angers. Elle collabore dans la foulée avec différents chorégraphes, dont Odile Duboc (1941-2010) et Loïc Touzé. De la première, à laquelle « elle pense énormément », elle conserve « le travail sur la poésie de la matière, l’eau, le feu, et le fait qu’en restant des corps humains on peut s’apparenter à d’autres éléments, dont les plantes ». Du second, avec lequel elle continue de dialoguer, elle évoque la manière « dont il permet à chacun de développer l’imaginaire de sa propre danse ». En duo avec Jonas Chéreau pendant huit ans, de 2008 à 2016, Madeleine Fournier fourbit ses outils de création basés sur l’expérience. Elle fonde ensuite sa compagnie, qu’elle baptise Odetta. « C’est un nom de femme, une sorte d’alter ego, quelque chose entre la vendetta et l’Odette du Lac des cygnes », glisse-t-elle.

Collaborations multiples

Depuis son « lieu-source, la Creuse », où elle a passé toutes ses vacances depuis l’âge de 6 ans et où elle continue de séjourner, Madeleine Fournier déplie, comme nombre de jeunes artistes de sa génération, une pensée écologique. Avec le corps en vase communicant relié au monde extérieur, qu’il soit végétal ou minéral, elle conçoit La Chaleur (2021), autour du souffle de la voix « qui se mélange dans l’air et nous relie à l’invisible ». Elle cite parmi ses ouvrages de référence La Vie des plantes, d’Emanuele Coccia (Rivages, 2016), et s’interroge sur la façon dont « sans cesse nous traversons et sommes traversés par le corps des autres ».

Elle y répond en multipliant les rencontres. En 2019, dans le cadre de Vive le sujet !, au Festival d’Avignon, elle a créé avec Ina Mihalache, autrice des vidéos « SolangeTeParle » sur YouTube, le duo Ce jardin, sur le thème de « la sororité et la lutte pour y arriver dans une société patriarcale qui met les femmes en compétition ». Elle a réalisé, à la demande du groupe Arlt, composé d’Eloïse Decazes et Florian Caschera, la chorégraphie du clip de leur titre Les Fleurs (2020), où elle arbore cette fois des gants verts.

Et, comme elle aime changer d’air et d’espace, jouer en salle et dans les jardins, elle a imaginé un duo dansé-chanté intitulé Zwei palmitos, avec Catherine Hershey, qui se balade depuis 2018 dans tous les endroits qui veulent bien l’accueillir, du club de jazz à la galerie d’art. Avec, quelles que soient les collaborations, la quête de l’origine du geste et du désir de danser, qu’elle situe dans l’enfance. « Je me souviens que j’étais une enfant qui bougeait beaucoup, tournait et sautait partout, raconte-t-elle. C’est ce vertige, ce plaisir, cette façon de se donner des sensations en expérimentant le mouvement que je tente de retrouver. »

Branle, de Madeleine Fournier. Les 17 et 18 novembre, à l’Atelier de Paris, 12e arrondissement.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Festival d’automne à Paris.

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