Chiroptera sur la façade de l’Opéra de Paris

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Derrière ses échafaudages, montés pour une longue période de restauration de sa façade, l’Opéra de Paris s’efface mais ne s’endort pas. Le temps d’une soirée, le dimanche 12 novembre au soir, le street artiste JR, le compositeur Thomas Bangalter et le chorégraphe Damien Jalet ont fait cause commune pour créer un spectacle étonnant de 20 minutes offert au public, massé sur la place de l’Opéra.

, Chiroptera sur la façade de l’Opéra de Paris

Depuis plusieurs  semaines,  la façade de l’Opéra de Paris a peu à peu disparue, engloutie sous des mètres carrés d’échafaudage, eux-mêmes évaporés derrière une immense grotte grise signée du street artiste JR. L’allégorie est là : avant d’entrer dans un théâtre de velours rouge, il faut lever un voile, pénétrer dans un autre monde, fait d’images qui reflètent le monde du dehors. Le mythe de la caverne de Platon est bien en ordre de marche, même si le regard est inversé : la caverne est ici, un lieu de beauté et de rêverie, quand le dehors n’est guère enthousiasmant ni éclairant. Il est même très obscurci par les temps actuels et l’entrée dans la caverne, s’avère alors un moyen de « faire naître la lumière de l’obscurité » expliquait JR en présentant la soirée. L’esthétique de cette bâche signée de l’artiste, aux dégradés de gris un peu moroses est néanmoins impressionnant. Et ce travail de grand volume est toujours plus interpellant et créatif que les énormes contrats publicitaires qui se sont enchainés précédemment.

Dans la foulée de ce travail artistique, JR a répondu à une commande de l’Opéra de Paris : faire un spectacle vivant autour de cette « scène » improvisée et démesurée. Le spectacle donc, aura fait dans la démesure, et avec un talent organisationnel certain. Pour ce faire, ils ont été trois : un trio de choc composé de JR, de Thomas Bangalter (l’ex compositeur de Daft Punk) pour la musique et enfin du moins connu mais du plus essentiel ici : le chorégraphe Damien Jalet. Car, juste revanche, c’est bien la danse qui a été choisie pour animer la « scène », et non le chant.

Le spectacle commence d’abord par un (bien) long solo dansé par Amandine Albisson, danseuse étoile de l’Opéra de Paris. Sur le parvis, vêtue d’un pantalon noir et manteau noir, elle se relâche en avant, tourne sur elle-même , s’élève, et l’effet spectaculaire se retrouve surtout dans l’ombre qu’elle projette sur la façade, devenant un immense personnage qui va s’engouffrer dans la grotte.

Ce qui suit est plus prenant. Jouant sur la grandeur, Damien Jalet a sélectionné 153 danseurs (hasard ou coïncidences, c’est le même nombre que les effectifs du Ballet de l’Opéra de Paris) venus d’un peu partout. Parmi eux, plusieurs élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. Après plusieurs jours de répétition dans un hangar de Pantin, ils ont envahi la façade, et sont apparus, une fois le «  rideau » de la grotte  levé, sur les neuf étages des échafaudages, les uns après les autres, vêtus de blancs et dotés d’une cape réversible blanche et noire (d‘où le titre du spectacle « Chiroptera », nom scientifique des chauves-souris). Cette cape permet d’apparaitre et disparaitre de manière ultra synchronisée. Ce qui est un sacré coup de maître car les danseurs ne pouvaient pas se regarder entre eux, et la musique d’ambiance de Thomas Bangalter ne pouvait guère les aider à compter.

Le dispositif, astucieux, n’est pas sans rappeler la fameuse campagne publicitaire de Jean-Paul Goude pour le parfum « Egoïste » de Chanel, où des femmes apparaissant aux multiples fenêtres d’une grande demeure, ouvraient et fermaient les volets en rythme (sur la musique du.. Roméo et Juliette de Prokofiev).

Ici, ce sont les capes blanches et noires qui servent à rythmer les apparitions/disparitions.  Les danseurs, eux, restent statiques  entre deux colonnes d’échafaudages, mais évoluent dans des mouvements d’abord  individualisées qui, rapidement, deviennent collectifs. Puis, au bout d’un moment, les capes blanches, telles des cases (comme si les humains n’étaient plus que des morceaux de puzzle dans une société codifiée) se positionnent pour former des lettres , des mots puis une phrase : Darkness holds the grace of the light » (« L’obscurité renferme la grâce de la lumière » ). Et tout s’éteint. Le message est passé. Le public, massé sur la place de l’Opéra, applaudit (quand il ne vient pas de filmer sur son smartphone), un peu groggy et conquis par le caractère hypnotique de ces apparitions dansantes et flottantes dans les hauteurs…

Crédits photographiques  : Retour à la Caverne – Acte II, 12 novembre 2023, 19h29, Chiroptera, Représentation, Palais Garnier, Paris, France, 2023 © JR

JR sur la façade de Garnier : la suite

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