Ils ont électrisé leur époque, bousculé notre idée du beau, écumé l’underground new-yorkais. Le premier a invité dans ses tableaux les motifs impurs de la pub et de la société de consommation. Le second a traversé les années 1980 comme une comète destroy. La marge était leur norme. Que reste-t-il, trente-cinq ans après leur disparition, de ces étincelles de subversion dans la postérité d’Andy Warhol (1928-1987) et de Jean-Michel Basquiat (1960-1988) ?
Sans doute plus grand-chose quand on voit l’exposition grandiose et chic que leur consacre la Fondation Louis-Vuitton, son succès, l’affluence des journalistes lors de la présentation à la presse, l’abondance de références à leur travail dans le luxe, la mode. On peut le regretter, ou estimer qu’ainsi va l’histoire de l’art ; elle finit par consacrer des artistes qui furent turbulents ou transgressifs, simplement parce que la puissance de leur œuvre s’impose à tous.
Rencontre en 1982
Plus de trente ans séparaient Warhol et Basquiat. Quand ils se rencontrent, le jeune Basquiat est en pleine ascension. Né d’un père haïtien et d’une mère d’origine portoricaine, cet enfant de la petite bourgeoisie de Brooklyn, passionné de dessin, monte à 16 ans dans le train du graff. Il sème dans tout Soho un tag, « Samo », pour « Same Old Shit » (« toujours la même merde »), et peint comme un DJ, mixant dans des toiles rageuses, fulgurantes, une multitude de signes, d’images. Des masques africains, des vignettes de BD, des évocations de ses héros Charlie Parker, Sugar Ray Robinson. Boyfriend d’une chanteuse prometteuse, nommée Madonna, il est mordu de musique. Des galeries repèrent très tôt ce talent hors norme. Sa renommée explose.
Basquiat peint comme un DJ, mixant dans des toiles rageuses, fulgurantes, une multitude de signes, d’images
En ce début des années 1980, Andy Warhol intéresse moins les critiques. Les grandes heures du pop art et de la Factory, qui ont dynamité les sixties, commencent à dater. Ses portraits des icônes de la pop culture, sur la base de photographies sérigraphiées, surprennent moins. Les mondanités, le calcul et le marketing semblent avoir pris le dessus dans la vie de ce marquis timide, un peu vitrifié. En tout cas voilà ce que pensent ses contempteurs. Chou Andy ? Plus tant que ça.
« La plupart du temps Warhol commence. Il fixe des images, logos, motifs, que son camarade déforme, efface, ou enrichit de son propre vocabulaire pictural. «
Le 4 octobre 1982, son galeriste Bruno Bischofberger lui présente, lors d’un déjeuner, l’étoile montante Basquiat. Quand il fait la connaissance d’une personne avec qui le courant passe, Warhol aime la dessiner. C’est son hommage à lui. Mais ce jour-là, il est pris de court. Basquiat s’éclipse et revient deux heures plus tard avec un étonnant tableau, qui ouvre l’exposition à la Fondation Vuitton, « Dos Cabezas ». Deux têtes, la sienne et celle de son aîné. Côte à côte, d’égal à égal. « Je suis jaloux. Il est plus rapide que moi » commente avec humour Warhol.
Immenses formats
À partir du printemps 1984, les deux nouveaux amis prennent l’habitude de se retrouver dans un atelier, et ils peignent ensemble. Démarche assez rare dans l’histoire de l’art, exception faite des surréalistes qui aimaient créer à plusieurs. Leur collaboration est brève, deux ans, mais fructueuse : 160 toiles, dont 80 sont présentées à la fondation. Souvent d’immenses formats, jusqu’à 10 mètres de long.
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Il n’y a pas de protocole, mais la plupart du temps Warhol commence. Il fixe des images, logos, motifs, que son camarade déforme, efface, ou enrichit de son propre vocabulaire pictural. Basquiat rature, barre, dessine, écrit. Leur collaboration était toutefois plus complexe que ce modus operandi en deux actes. Elle reposait sur un dialogue permanent, apprend-on dans l’exposition.
Résultat : une profusion de signes. On reconnaît assez bien dans leurs tableaux à quatre mains la sophistication, l’application, l’ironie de Warhol et la rapidité, l’inventivité de Basquiat. Son sens de l’interpellation politique aussi, sa « griffe » plus directe, notamment pour dénoncer le racisme et l’invisibilité des Afro-Américains. On a l’impression que Basquiat énergise ces toiles, qu’il prend, graphiquement, l’ascendant. La jeunesse gagne toujours.
Années folles
Ces 80 coproductions sont accrochées dans un ordre chronologique, dans de vastes espaces, sur quatre niveaux. Bien d’autres dessins, photos, textes sont présentés, pour décrire la relation entre les deux artistes, qui slalomait entre amitié et partenariat. En devenant un intime de Warhol, Basquiat a l’impression d’entrer dans la cour des grands. Quant à Warhol, il trouve dans la fréquentation de ce jeune confrère un regain créatif. Il est à nouveau branché sur l’époque, de retour « into the groove ».
Leurs chemins s’éloignent en 1985 après une exposition commune chez le galeriste américain Tony Shafrazi, mal reçue par les critiques : les collectionneurs préfèrent leurs travaux en solo. Basquiat souffre d’être parfois décrit comme la « mascotte », la créature de Warhol. Il prend ses distances, sans fâcherie. Andy Warhol meurt en 1987, à 58 ans, des suites des complications d’une intervention chirurgicale. Basquiat disparaît à son tour en 1988, après une overdose.
Au-delà de ce tandem magnétique, l’exposition restitue le contexte, les Années folles du « downtown » new-yorkais. Sur une photo de groupe de Michael Halsband, datant de 1985, on reconnaît Basquiat, Warhol, Robert Mapplethorpe, Keith Haring, Julian Schnabel, David Hockney… On la regarde avec émotion, car plusieurs des jeunes feux follets de l’art rassemblés sur ce cliché sont décédés prématurément, du sida notamment.
« Basquiat-Warhol à quatre mains », Fondation Louis-Vuitton à Paris (XVIe arrondissement), tous les jours sauf le mardi. Tarif plein : 16 €, tarifs réduits : 10 et 5 €, tarif famille : 32 € (deux adultes et un à quatre enfants de moins de 18 ans). Jusqu’au 28 août.
Fondation Vuitton
Inaugurée en 2014, installée dans un musée imaginé par l’architecte Franck Gehry comme un immense vaisseau ailé dans le bois de Boulogne, auréolée de plusieurs gros succès publics comme les expositions dédiées aux collections russes de Sergueï Chtchoukine ou des frères Morozov, la Fondation Louis-Vuitton avait déjà, en 2018, consacré une exposition au seul Jean-Michel Basquiat. Elle avait attiré près de 700 000 visiteurs.
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