Sur l’immense plateau, on déplace le décor de « La Bohème » à l’aide de tracteurs électriques. Six étages en dessous, on démonte ou assemble d’autres décors : à l’Opéra Bastille, à Paris, le travail des machinistes est un spectacle en soi.
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Clou de ce spectacle : le plateau lui-même, capable de monter et de descendre entre le niveau de la scène et le sixième sous-sol pour transporter une centaine de tonnes de décors, en moins de 12 minutes.
Ce plateau mobile de 400 mètres carrés est multiplié par neuf à l’arrière-scène et sur les côtés, avec des cases permettant le stockage de décors. Chose rare, il dispose aussi d’une salle de répétition, réplique exacte de la scène.
Du premier siège de la salle jusqu’au « lointain » (le fond de la scène), il n’y a pas moins de 100 mètres, une vision de grandeur impressionnante que voit rarement le public.
Inauguré en 1989, l’Opéra Bastille, le plus grand d’Europe (2745 places), « a pour vocation de jouer trois à quatre spectacles en toute sécurité dans une même semaine », explique à l’AFP Lionel Morin, chef de la machinerie de cette salle, la deuxième de l’Opéra de Paris avec le Palais Garnier.
Quelques jours avant la reprise de « La Bohème » de Puccini (2 mai-4 juin), ses équipes s’attellent à la mise en place des décors. Cette version de Claus Guth avait en 2017 hérissé une partie de la critique et du public en situant l’histoire… dans l’espace.
Une station spatiale de près de 12 tonnes est poussée au milieu de la scène par des machinistes juchés sur des tracteurs électriques.
L’Opéra Bastille, une véritable « fourmilière »
Une fois les actes 1 et 2 terminés, les machinistes ont, en temps réel, les 30 minutes de l’entracte pour dégager la station vers les coulisses et ramener une autre pièce du décor, un sol lunaire. Tout cela grâce à un système sophistiqué de chariots motorisés, de rails et une tournette pour faire pivoter les différents éléments.
Les machinistes ne sont pas seuls : « électriciens, éclairagistes, accessoiristes et habilleurs sont là; on travaille en communion », précise Michel Foulquier, responsable de spectacle.
On charge les frises — qui cachent les projecteurs — et les porteuses pour lever ou descendre des décors lourds stockés dans les cintres, on utilise des nacelles télescopiques pour monter rapidement certains décors.
Bastille, « c’est une fourmilière, une grosse usine », résume pour l’AFP Sonia Allienne, machiniste depuis 20 ans dans la maison.
Sur les productions où il y a des précipités (changements de décors très rapides), « on n’a pas le droit à l’erreur… Chacun sait ce qu’il a à faire », dit-elle.
Une scène sous la Seine
Le nombre de machinistes varie entre 100 et 120, dont 90 titulaires. « On a une activité du lundi au dimanche, de 08H00 à minuit, donc il faut couvrir toutes ces plages horaires », explique Lionel Morin. « Il y a des équipes attitrées par spectacle, avec un minimum de 12 personnes sur le plateau ».
Parfois, ils sont beaucoup plus nombreux, comme pour la production de « Der Rosenkavalier » de Strauss, où il y avait des tours à déplacer et qui a nécessité 40 personnes. D’autres fois, il faut aller très vite, avec « un effet de machinerie toutes les 30 secondes à 1 minute », raconte Michel Foulquier.
Parallèlement à l’équipe du plateau, d’autres machinistes s’affairent au niveau -6, à 25 mètres sous la scène, et même quelques mètres en dessous du niveau de la Seine.
Là, un curieux mélange de décors s’offre aux yeux.
« En ce moment, sur le plateau, nous avons « La Bohème » qui va jouer en alternance avec la soirée Maurice Béjart », indique Lionel Morin.
« Et au -6, nous sommes en train de démonter « Nixon in China », nous montons « L’Affaire Makropoulos » qui va jouer en septembre et on finit le montage de « Roméo et Juliette » », présenté en juin. « C’est une grande chance », assure-t-il.
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