Malvoyant, Manu le surfeur va jazzer à Paris

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« Quand il est sur scène, Manu vit sa musique. Il est heureux, dans son monde, comme en transe. On sent que ça vient de l’intérieur. » Installée dans les fauteuils rouges de l’auditorium du Conservatoire de Brest, Claudie Dubrana écoute son fils à la batterie. C’est jour de répétition de fin d’année pour le groupe jazz, en ce début de vacances scolaires 2023. Short, t-shirt et lunettes noires, Emmanuel, 21 ans, hoche la tête en rythme et sourit. Cet été a une saveur particulière pour le jeune homme. À la rentrée, il quittera Plougonvelin (29), sa famille et la cité du Ponant pour Paris. « J’ai été accepté à l’American School of Modern Music, dont le diplôme est considéré comme l’un des meilleurs d’Europe. »

« La musique transcende son handicap »

« Il vient juste de valider sa première année de licence Arts, à Brest, et va faire une césure. Après, on verra… », poursuit Claudie. Ravie, la maman est aussi prudente. Car elle sait combien le parcours exceptionnel de son petit dernier a aussi été semé d’embûches. « Manu, ou Manou, comme on l’appelait là-bas, est un orphelin malvoyant, qui a grandi pendant cinq ans dans un hôpital des Sœurs de la Charité, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. C’est notre troisième enfant, nous sommes allés l’adopter avec mon mari, en 2007. Tout petit, il faisait déjà des percussions sur un tabouret qu’il retournait. Arrivé à Brest, il s’exprimait beaucoup avec des bodypercussions (en se frappant sur le corps). La musique l’a toujours rendu joyeux, il en écoute chaque soir depuis toujours. Elle transcende son handicap. »

Descendu de scène, Emmanuel confirme : « Jouer devant un public est hyper important pour moi. Je ne suis plus la personne malvoyante qui galère à se repérer, je me sens observé mais de la bonne manière et dans le partage ». Depuis l’enfance, le jeune homme souffre d’achromatopsie. « Je ne distingue pas les couleurs, je ne vois pas de loin et je ne supporte pas la lumière, ce qui m’oblige à porter des lunettes noires en toutes circonstances. »

Emmanuel Dubrana, jeune musicien mal-voyant
Emmanuel Dubrana, jeune musicien mal-voyant (Lionel Le Saux / Le Télégramme)

« Sa scolarité a été le parcours du combattant mais Manu a pu rester dans le système classique grâce à une assistante de vie scolaire (AVS). Il a passé un bac techno S2TMD (sciences et techniques du théâtre, de la musique et de la danse), au lycée Fénelon de Brest, qui lui a ouvert l’esprit sur le monde artistique », prolonge sa maman.

Jouer devant un public est hyper important pour moi. Je ne suis plus la personne malvoyante qui galère à se repérer, je me sens observé mais de la bonne manière

De Buddy Rich à Metallica

Le jazz l’a chopé par l’oreille lorsqu’il a intégré les ateliers du Conservatoire de Brest, il y a trois ans. Son professeur Philippe Champion a été conquis « par ce petit jeune qui ne se la ramène pas ». « Emmanuel a été très à l’aise tout de suite. Au début, je n’avais même pas remarqué son handicap. Dans le jazz, notre pédagogie se base sur l’oralité, sans partitions et en connectant les musiciens les uns aux autres. C’est un monde qui lui est familier. On est très fiers de le voir tenter sa chance à Paris ! »

Avant de s’immerger dans le nouvel enseignement, inspiré des meilleures universités américaines, Manu le Breton va encore se frotter, cet été, aux concerts et impros du festival Jazz in Marciac. Il se dit « très inspiré » par les batteurs américains Buddy Rich (1917-1987) et Tony Williams (1945-1997). Mais sur sa playlist, il y a de la musique africaine, de la bossa, de l’electro, du rock, du dub, du classique et même un répertoire médiéval ! « J’adore écouter de tout, que ça soit David Guetta, Coldplay, Metallica, Bob Dylan (il manie l’art du mot comme personne !), Grand Corps Malade ou encore le contre-ténor Luc Arbogast. J’ai même touché à la musique bretonne en faisant un peu de caisse claire avec les Sonerien Plougonvelen en 2021 et 2022. Franchement cool ! »

Emmanuel Dubrana, jeune musicien mal-voyant, ici en train de surfer a la plage des Blancs Sablons au Conquet.
Emmanuel Dubrana, jeune musicien mal-voyant, ici en train de surfer a la plage des Blancs Sablons au Conquet. (Lionel Le Saux / Le Télégramme)

Le surf, comme sur une scène

Son seul regret : savoir que, quand le jazz, à Paris, sera là, c’est le surf, et pas la java, qui s’en ira. Car Emmanuel Dubrana adore aussi se jeter à l’eau. Depuis la plage des Blancs Sablons, au Conquet, ou celle du Petit Minou, à Plouzané, il a appris à dompter les vagues, guidé par son père Frédéric, d’abord, par sa fratrie ensuite. « Manu n’a peur de rien, il est doué physiquement et s’adapte très vite. Le surf, comme sur une scène, apporte de la liberté et du spectacle ! », dit de lui sa sœur aînée Camille, 26 ans, devenue (ce n’est pas un hasard) responsable du parasurf pour la ligue de Bretagne. Résultat : six titres de champion de Bretagne et quatre titres de vice-champion de France de handisurf au compteur pour le jeune frangin. « Une fois à Paris, je vais devoir réduire mais je ferai tout pour ne pas arrêter », sourit le Finistérien. Surfeur un jour, batteur toujours !

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