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Trois ans après Mon premier Lac des Cygnes, Karl Paquette, danseur Etoile et professeur à l’École de danse de l’Opéra de Paris, produit son nouveau spectacle Il était une fois Casse-Noisette. Il s’entoure de la même talentueuse équipe artistique : Fabrice Bourgeois pour la chorégraphie et la mise en scène, Clément Hervieu-Léger pour le livret, Nolwenn Cleret pour les décors et Xavier Ronze pour les costumes. Avec une seule envie, partager avec les enfants la féérie de Casse-Noisette au Théâtre du Châtelet à partir du 19 avril.
ResMusica : Quel est votre premier souvenir de Casse-Noisette ?
Karl Paquette : En 1988, j’avais dix ans et j’étais élève à l’école de danse de l’Opéra depuis un an. La danse m’est encore un peu inconnue. J’ai la chance de faire partie des enfants distribués dans le spectacle de fin d’année de la compagnie et de participer à la réalisation du film et à la nomination en direct d’Elizabeth Maurin comme Etoile de l’Opéra de Paris. Pour moi, c’est un monde parallèle, enchanté et enchanteur. Tous les soirs, nous étions en scène et c’était assez exceptionnel !
RM : Vous avez été nommé Étoile sur ce ballet le 31 décembre 2009, dans le rôle de Drosselmayer. Ce souvenir influence-t-il votre projet de produire une version de Casse-Noisette pour le jeune (et moins jeune) public ?
KP : J’ai l’impression d’être très connecté à Casse-Noisette sans le vouloir. J’ai dansé tous ces pas de deux dans la version de Noureev et je les connais par cœur, car il y a une vraie mémoire du corps. Mais à partir du moment où je me lance dans un nouveau projet, sur lequel nous allons repartir à zéro, je suis très à l’écoute de Fabrice Bourgeois qui l’a rechorégraphié. Il est tellement musical, tellement juste dans sa façon de chorégraphier, que cela me paraissait naturel que cette chorégraphie existe sur cette musique de Tchaïkovski très lisible et très claire. Je me suis très vite réattribué cette nouvelle version et ce sont clairement deux versions totalement différentes dans ma tête.
« Je souhaitais permettre un accès plus facile à la danse classique pour les spectateurs de demain ou les futurs danseurs. »
RM : Comment êtes-vous parvenu au constat qu’il fallait réenchanter Casse-Noisette ?
KP : Mon premier constat était qu’il fallait d’abord réenchanter la danse classique. Le projet a été clairement initié sur Le Lac des cygnes. Sortant de 25 ans d’Opéra de Paris, où j’ai eu cette chance de travailler avec les plus grands, je m’apercevais que beaucoup de personnes se mettaient des barrages et n’osaient pas franchir les premiers pas. Je souhaitais permettre un accès plus facile à la danse classique que ce soit pour les spectateurs de demain ou les futurs danseurs.
Quand nous nous sommes lancés, il y a trois ans, dans le projet Mon premier lac des cygnes, c’était pour moi l’inconnu. Nous ne savions pas comment allait réagir le public, ni si cela allait me plaire en tant que directeur artistique. Fort du succès de la première série, on en a fait une deuxième avec le même concept : ajouter de la narration, un format et un horaire adapté au jeune public. Il fallait continuer avec un autre ballet, Casse-Noisette s’est imposé comment étant le plus accessible pour les enfants et l’histoire la plus simple à adapter et qui parle aux enfants : à Noël, une petite fille reçoit un cadeau, s’endort et fait un cauchemar.
RM : Comment est né ce projet avec le Théâtre du Châtelet ?
KP : Le Covid est passé par là et a redistribué les cartes. Nous avons fait le choix d’une reprise de Mon premier Lac des cygnes, pour remplir de nouveau les salles, avant de nous lancer dans une création. Le retour de chaque spectateur sur le format que nous avions choisi nous a aidé à élaborer le projet d’un Casse-noisette beaucoup plus performant. Deux ans après, mes démarches auprès du Châtelet ont abouti. Après Mogador, une très belle salle que j’adore, j’avais envie de plus grand, car Casse-Noisette méritait quelque chose de grandiose. Lorsque j’ai rencontré Thomas Lauriot dit Prévost, directeur du Châtelet à l’époque, il a adoré le projet et a souhaité nous soutenir, pour notre plus grand bonheur aujourd’hui.
« Une fois la chorégraphie mise en place, Clément Hervieu-Léger a trouvé la narration juste pour l’intégrer aux bons moments dans la chorégraphie. »
RM : La simplification du livret et la lisibilité de la narration ont été guidées par quels objectifs ?
KP : Souvent, les enfants quand ils viennent voir un spectacle, se laissent happer et parfois distraire. Nous voulons être sûr qu’ils ont compris ce qu’ils ont vu et qu’ils restent bien concentré. La narration en voix off est complètement intégrée à la musique a été rédigée et est lue par Clément Hervieu-Léger. Notre histoire s’appuie sur le livret original, qui a juste été simplifié pour le jeune public. Par exemple, nous avons enlevé le cauchemar du 2ème acte (soit 3 à 4 minutes de musique) pour rester dans le rêve de pâtisserie de Clara, qui restait très imagé et joli. Nous n’avons pas eu besoin de simplifier outre mesure. Une fois la chorégraphie mise en place, Clément Hervieu-Léger a trouvé la narration juste pour l’intégrer aux bons moments dans la chorégraphie. La narration est intéressante, car elle ramène les enfants dans la réalité du spectacle, permet de faire un changement de tableau ou d’expliquer simplement les choses.
RM : Vous avez choisi pour la scénographie le principe du livre d’images, pourquoi ?
KP : Avec Fabrice Bourgeois, nous aimons bien l’idée de raconter une histoire. Ces tableaux vivants et les personnages sortent du livre, et s’inscrivent dans trois environnements différents : la maison, les flocons et l’univers de la pâtisserie.
RM : Le décor et les costumes, ancrés dans un XVIIIᵉ très rocaille, contribuent-ils à ce réenchantement ?
KP : C’est une belle époque où il y avait une recherche, quelque chose de raffiné et cela était important pour moi de le remettre dans ce contexte-là. Cela nous a permis d’aller plus profondément dans les recherches de tissu, de décor et de costumes. La scénographe Nolwenn Clairet a tout compris de l’univers de la danse et a clairement su s’adapter avec les moyens du Châtelet pour trouver ces éléments justes de perspective et de détail sur certains accessoires qui font toute la différence. L’idée était de faire en sorte que la personne qui vient voir le spectacle découvre un monde féérique de la danse classique.
« Ce que je veux avant tout, c’est un vrai spectacle de danse, car nous proposons de la vraie belle danse dans ce spectacle. »
RM : Comment les parties dansées ont-elles été aménagées pour une troupe de 24 danseurs ?
KP: Ce que je veux avant tout, c’est un vrai spectacle de danse. Depuis plus d’un an, j’ai recruté 26 danseurs de grande qualité, les plus adaptés pour cette création. Je suis fier pour eux et je suis fier pour la danse classique, car nous proposons de la vraie belle danse dans ce spectacle. La distribution comprend l’intégralité des danseurs du Lac des cygnes il y a trois ans et comme la production est un peu plus importante, nous avons choisi 7 danseurs de plus. Nous disposons de tous les protagonistes qui permettent de bien comprendre l’histoire et qui rendent vivant Casse-Noisette. Les personnages des enfants sont incarnés par des danseurs adultes habillés en enfants, car c’est aujourd’hui assez compliqué de faire jouer des enfants en scène. Du côté des scènes d’ensemble, la valse des fleurs comptera 18 danseurs (12 filles et 6 garçons) en scène, ce qui est déjà beaucoup et celle des flocons, 12 flocons. La difficulté est de préserver l’enchaînement entre les tableaux en gardant des danseurs disponibles pour incarner les personnages.
RM : Vous avez confié la chorégraphie à Fabrice Bourgeois. Dans quelle mesure s’inspire-t-il ou a-t-il repris la chorégraphie de Petipa ?
KP : Il a recréé une chorégraphie entièrement nouvelle, qui paraît hyper naturelle, sans partir de la chorégraphie de Petipa ou de celle de Noureev, qu’il a connu comme moi. Je suis convaincu que c’est l’un des plus grands chorégraphes d’aujourd’hui, car il a une vraie connaissance du théâtre, de la danse et un sens inné de la musicalité dans la chorégraphie. C’est hyper enthousiasmant, car les danseurs eux-mêmes s’amusent de certaines situations en répétition, s’émerveillent de la qualité chorégraphique de certains pas de deux. Trois semaines avant la première, on y est déjà ! Tout ce que l’on attend, c’est d’aller en scène, d’avoir les costumes et de défendre le projet. C’est excitant pour un danseur de faire partie d’une création, d’être en scène et de dire « J’étais là à la création ! ».
RM : Vous proposez aussi des ateliers pour les enfants, des rencontres avec les écoles en marge du spectacle ?
KP: Cela fait partie de mes désirs depuis toujours. Le Châtelet est un théâtre qui fait beaucoup de choses pour la jeunesse, pour l’ouverture d’esprit, c’était important que j’y participe. J’avais à cœur de montrer mon métier à travers quatre ateliers sur la danse classique, quelque chose que je sais faire et que j’ai transmettre, en tant que professeur à l’École de danse de l’Opéra de Paris. Nous allons les initier avant le spectacle à travers des exercices simples pour leur montrer la difficulté de la danse classique.
RM : Qu’est-ce qui parle le plus au jeune public dans cette histoire ?
KP : Nous allons le découvrir à travers le regard des spectateurs. La féérie de Noël parle à tout enfant, et même chez les adultes qui partagent cet enthousiasme. La réaction quand on ouvre ses cadeaux est toujours assez magique. C’est un thème qui parlera à tout le monde. Il faut que le spectateur soit totalement immergé dans ce spectacle.
RM : Vous arrivez à cumuler votre activité d’enseignant et de producteur de spectacle ?
KP : J’ai des journées bien remplies. Nous avons la chance d’avoir le théâtre à disposition le matin, ce qui me permet de travailler de 9h à 13h, avant de rejoindre Nanterre pour donner mes cours et revenir le soir à 17h pour continuer les répétitions. Pendant 15 jours je suis déchargé de mes cours à l’École de danse, car je fais répéter L’Oiseau de feu à l’Opéra de Paris. Si je ne le fais pas maintenant, à mon âge, je ne le ferai pas après !
C’est très enrichissant de garder ce pied dans le monde professionnel. Être enseignant à l’École de danse est une chance absolue, j’en suis conscient. J’ai deux classes et des élèves de très haut niveau. C’est important pour moi de savoir comment ils vont évoluer et jusqu’où on peut les emmener dans leur évolution. La danse n’est pas la même qu’il y a trente ans, cela nous fait réfléchir en permanence au quotidien. J’apprends tous les jours et chaque jour, j’espère être moi-même.
RM : Vous serez vous-même sur scène. Quel rôle danserez-vous ?
KP : Je danserai moins que dans Mon premier Lac des cygnes. J’incarnerai Drosselmeyer et le Roi des rats dans un très joli costume, qui vaut le détour. Pour moi, c’était important d’être en scène, à côté des danseurs, qui sont jeunes, pleins d’énergie. C’était important d’être à leurs côtés pour les aider artistiquement, leur apporter mon expérience. Être là au quotidien dans le concret, dans la scène, montre aussi mon investissement. Avec nos doutes, nos erreurs, nos qualités, je leur montre aussi que je ne suis pas infaillible et que grâce au travail, on arrive toujours à grandir.
RM : Quel avenir pour ce spectacle au-delà du Théâtre du Châtelet ?
KP : Bien sûr, j’aimerai que le Châtelet nous emmène en France et plus loin, mais c’est toute une économie à trouver. Ma priorité, c’est de faire un beau spectacle du 19 au 30 avril, comme nous savons le faire et si le spectacle plaît, de le faire voyager ensuite. Nous sommes épaulés, bien entourés de personnes très compétentes, nous savons où nous allons. Aujourd’hui, nous travaillons pour le Châtelet et pour cette scène et nous avons une relation de confiance totale avec l’équipe du Châtelet.
Crédits photographiques : Karl Paquette © DR ; © Thomas Amouroux / Théâtre du Châtelet
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