Exposition Bollywood à Paris : « Le cinéma fait sortir les dieux des temples » au musée du quai Branly

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Pour oublier la morosité ambiante, rien de tel que de s’engouffrer dans une salle obscure pour y goûter l’une de ces pâtisseries parfumées à la cardamome dont le cinéma bollywoodien a le secret. L’on y admire sur écran géant les amours de Rama et de Krishna (le jeune pâtre à la peau bleue) sous un beau clair de lune, ou bien encore les combats héroïques que se livrent depuis la nuit des temps les protagonistes de ces flamboyantes épopées que sont le Mahabharata et le Ramayana… On aurait tort cependant de réduire à de vulgaires productions commerciales ces films-fleuves qui font, depuis des décennies, la gloire et la fortune des grands studios de Bombay, Madras ou Calcutta. Car ces machines à faire rêver l’ensemble de la nation indienne, toute classe d’âge et toute origine sociale confondues, sont en réalité pétries de références culturelles et obéissent à un ensemble de codes visuels savamment orchestrés.

« Faire sortir les dieux des temples »

Et c’est précisément tout l’intérêt de l’exposition du musée du quai Branly que de remonter aux sources mêmes de ce divertissement populaire, véritable ciment de la construction identitaire de la jeune nation indienne à peine libérée du joug britannique. « Les peintures utilisées par les conteurs itinérants, les théâtres d’ombre et les lanternes magiques ont précédé le cinéma et coexisté avec lui. Au début du XXe siècle, les premiers cinémas se déplacent de ville en ville pour raconter des histoires mythologiques vieilles de plus de 2000 ans. Comme les autres arts du spectacle, le cinéma fait sortir les dieux des temples pour les montrer et les rendre accessibles au plus grand nombre. Ce sont les héros et les héroïnes des films qui servent de fil conducteur à l’exposition », soulignent ainsi Julien Rousseau et Hélène Kessous, les deux commissaires de l’exposition.

La princesse Sita sous un arbre. Figurine de théâtre d’ombres (tholubonmalata), Andhra Pradesh, Inde, première moitié du XXe siècle, peau de chèvre peinte, bois. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon

La princesse Sita sous un arbre. Figurine de théâtre d’ombres (tholubonmalata), Andhra Pradesh, Inde, première moitié du XXe siècle, peau de chèvre peinte, bois. © musée du quai Branly – Jacques Chirac. Photo : Pauline Guyon

Moins d’un an après les premières projections des frères Lumière à Paris, les spectateurs indiens découvrent ainsi dès 1896 la magie du septième art et y succombent avec délectation. Spectacle total mêlant le théâtre, la musique et la danse, le cinéma ne pouvait en effet que séduire une civilisation pour laquelle le rapport à l’image divine passe par le pouvoir de la vue (ou darshan). « Le darshan a donné une fonction religieuse particulière aux arts visuels et renforcé la magie du premier cinéma. Bien sûr, les acteurs ne sont pas des dieux, mais ils sont plus que des êtres humains », expliquent les deux commissaires.

Vue de l'exposition « Bollywood Superstars. Histoire d’un cinéma indien » au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris ©Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Vue de l’exposition « Bollywood Superstars. Histoire d’un cinéma indien » au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris ©Musée du quai Branly-Jacques Chirac. Photo : Léo Delafontaine

Populaire et mystique tout à la fois

Rien n’est trop beau, en effet, pour sortir le spectateur de son quotidien et lui faire oublier les affres de sa condition ! En Inde, plus que partout ailleurs dans le monde, le cinéma est hissé au rang de religion, véritable « opium du peuple » distillant avec force mélopées lancinantes et chorégraphies langoureuses ce succédané de bonheur, ce condensé d’émotion. Le musée du quai Branly a ainsi l’heureuse idée d’immerger le spectateur dans un kaléidoscope d’images et de sons pour suggérer le caractère envoûtant et hypnotique du cinéma bollywoodien.

Photogramme du film « Mughal-E-Azam », réalisé par Kamuddin Asif et sorti en 1960.

Photogramme du film « Mughal-E-Azam », réalisé par Kamuddin Asif et sorti en 1960.

Il faut en effet avoir assisté à une projection en plein air pour comprendre l’essence même de ce phénomène mystique et religieux tout à la fois. Assis sur des gradins de fortune, ou parfois à même le sol, hommes, femmes et enfants témoignent bruyamment leur dévotion au dieu « Écran » et oscillent entre admiration, extase et effroi devant les péripéties et les émois de leurs héroïnes et de leurs héros. Héritiers directs des poètes et des conteurs, les cinéastes ne se sont-ils pas érigés en « rhapsodes de la pellicule » ?

Robe de mariée (chaugoshia), milieu du XXe siècle, Hyderabad, Andhra Pradesh. soie « métallique » imprimée (lampi), broderies au fil d’or et d’argent, sequins métalliques. Paris, musée du quai Branly - Jacques Chirac Images courtesy Francesca Galloway

Robe de mariée (chaugoshia), milieu du XXe siècle, Hyderabad, Andhra Pradesh. soie « métallique » imprimée (lampi), broderies au fil d’or et d’argent, sequins métalliques. Paris, musée du quai Branly-Jacques Chirac Images courtesy Francesca Galloway

Une industrie florissante

S’ils puisent leur inspiration aux racines mêmes de la civilisation indienne et de ses traditions artistiques, les films bollywoodiens n’en sont pas moins des méga-productions destinées à attirer et à séduire le public le plus large. Mettant en scène dans des décors dignes des Mille et une nuits les règnes des grands souverains moghols, les films historiques véhiculent ainsi une vision idéale du passé de l’Inde. De même, l’on peut s’interroger sur les canons de beauté véhiculés par les plus grandes stars féminines dont la peau, éternellement diaphane, semble bien éloignée de la carnation de la plupart des femmes indiennes…

Vue de l'exposition « Bollywood Superstars. Histoire d’un cinéma indien » au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris ©Musée du quai Branly-Jacques Chirac. Photo : Léo Delafontaine

Vue de l’exposition « Bollywood Superstars. Histoire d’un cinéma indien » au musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris ©Musée du quai Branly-Jacques Chirac. Photo : Léo Delafontaine

Qu’importe la vérité ! Machines à distiller du rêve, les quelque 1500 films produits chaque année en Inde ne cessent de faire chavirer le cœur de nouveaux spectateurs, bien au-delà de Bombay, New-Delhi ou Calcutta. Élue Miss Monde 1994, Aishwarya Rai Batchan a ainsi atteint la consécration internationale avec son film Devdas, qui a fait l’ouverture du festival de Cannes en 2002. Elle est depuis l’ambassadrice, pour l’Inde, de la marque française L’Oréal…

« Bollywood Superstars. Histoire d’un cinéma indien »
musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris
du 26 septembre au 14 janvier 2024


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