« Va, laisse couler mes larmes ! » Oksana Mesmin a choisi l’un des plus beaux airs du Werther de Massenet, celui où Charlotte pleure après avoir relu les lettres du poète dont elle a repoussé l’amour par devoir. Il est 10 heures du matin dans le petit auditorium Herre Hiemstra à Cayenne, et la température extérieure frôle les 30 degrés. Socquettes blanches et grand tee-shirt noir, la Guyanaise de 23 ans, étudiante en lettres modernes, possède naturellement une voix déjà bien placée, au timbre riche en harmoniques.
Une véritable découverte parmi la dizaine de jeunes chanteurs qui participent ce samedi 7 octobre au premier cours de la classe de chant, qui sera dispensée toute la semaine par la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, le baryton Timothée Varon, et leur complice au piano, Félix Ramos, tous anciens membres de l’académie de l’Opéra de Paris.
Il faut tenir le souffle comme on bande un arc, respirer pointu par les lèvres comme avec une paille. Oksana a placé ses deux auriculaires de part et d’autre des joues à l’intérieur de la bouche. Elle reprend la phrase, yeux fermés. Seulement les voyelles – « comme quand tu ne peux pas articuler après une anesthésie dentaire », précise Marie-Andrée Bouchard-Lesieur placée derrière la jeune femme qu’elle balance d’un pied sur l’autre comme « une algue au fond de la mer ». Le chant se construit pas à pas. « Maintenant, dépose les consonnes dans les voyelles : vaa-laisseuh-coûleer-mes-laarmes… »
Tous manifestent un sérieux, que tempère le caractère enjoué et généreux de leurs « professeurs » parisiens, qui ont accepté avec enthousiasme, pour la troisième fois en deux ans, de participer à « Opéra en Guyane », initiative développée par l’Opéra national de Paris. Après un premier volet plutôt consacré à la danse en novembre 2022, la deuxième saison a fait la part belle à l’art lyrique, d’abord en juin puis en octobre. Trois jours plus tôt, le 4 octobre, le directeur général de la « grande boutique », Alexander Neef, a même participé à une audition. « Bien sûr, des gens se sont posé la question de savoir ce que venait faire l’Opéra de Paris en Guyane, reconnaît-il. Mais le but est d’abord d’envoyer un message : si d’aucuns estiment que l’opéra n’est pas pour eux, c’est aussi parce que l’institution a longtemps pensé qu’elle n’avait pas sa place sur certains territoires. »
« Une merveilleuse opportunité »
L’ex-directeur de l’Opéra de Toronto, qui a déjà mené une expérience au Canada avec les artistes lyriques des territoires éloignés, regrette qu’il soit souvent trop tard lorsqu’on découvre un talent à l’âge adulte. « Il aurait fallu arriver dix ans plus tôt », soupire-t-il en évoquant le cas de ce ténor guyanais à la voix spectaculaire, qui ne vivra pas la carrière à laquelle il aurait pu prétendre. « Ce projet est aussi un test pour l’Opéra de Paris, argue-t-il. Si on veut l’inscrire dans notre temps, il faut l’exposer au monde qui nous entoure, à un public et à des artistes qui ne sont pas forcément les nôtres. Les premiers résultats sont encourageants », constate celui pour qui éducation artistique et rapport à l’art relèvent tout simplement « d’un droit humain ».
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