Jeux olympiques de Paris 2024 : un Girondin a coaché le B-boy Dany Dann, médaillé d’argent en breakdance

Casquette siglée au nom de la France sur la tête, Omar Remichi nous accueille « chez lui », salle Marc-Dulout, petit local bordant une placette à Villenave-d’Ornon. Un lieu choisi exprès, pour sa valeur symbolique. « C’est ici que j’ai coaché Dany Dann, médaillé d’argent aux Jeux de Paris », sourit-il.

Avant de connaître la complicité, les deux hommes se sont apprivoisés dans la concurrence. En écumant d’abord les battles interquartiers, puis en se toisant dans les meilleurs championnats mondiaux de la discipline. Brésil, &É…

Casquette siglée au nom de la France sur la tête, Omar Remichi nous accueille « chez lui », salle Marc-Dulout, petit local bordant une placette à Villenave-d’Ornon. Un lieu choisi exprès, pour sa valeur symbolique. « C’est ici que j’ai coaché Dany Dann, médaillé d’argent aux Jeux de Paris », sourit-il.

Avant de connaître la complicité, les deux hommes se sont apprivoisés dans la concurrence. En écumant d’abord les battles interquartiers, puis en se toisant dans les meilleurs championnats mondiaux de la discipline. Brésil, États-Unis, Asie, Europe : ils ont trimbalé leur art partout, partageant la même musicalité, un langage artistique commun. En 2016, ils dansent ensemble au sein de la Team France.

De l’Insep à Bordeaux

Dany Dann, 36 ans, est originaire de Guyane. Omar Remichi, lui, est né à Alger il y a trente-sept ans. L’un a traversé l’Atlantique, l’autre la Méditerranée. À peu près au même âge. Des rêves plein la tête.

Finalement, c’est ensemble qu’ils décident de cheminer vers l’Olympe. Dany, Omar, mais aussi Lagaet et Carlota, deux autres danseurs français sélectionnés pour les Jeux de Paris 2024.

Pendant trois ans, l’équipe transpire pour tendre vers cet objectif ultime. Omar devient le premier entraîneur du pôle de breaking à l’Insep durant la saison 2022-2023. Des moyens conséquents sont mis à sa disposition. Cette opportunité lui permet de qualifier ses trois athlètes. Dany Dann composte son ticket dès juin 2023, en remportant les Jeux européens en Pologne. Les deux autres décrochent le précieux sésame grâce à leur classement (ranking).

« Dany n’était pas vu comme un favori incontestable au départ. Ce n’était pas comme un Teddy Riner au judo »

Dans la « dernière ligne droite » avant Paris, le quatuor quitte les installations de l’Insep et vient se mettre au vert en Gironde. Pourquoi la région bordelaise ? Parce qu’Omar Remichi y a ses habitudes, ses repères et sa famille. « On avait passé énormément de temps à faire les qualifs partout dans le monde. Le groupe avait besoin d’un lieu tranquille, loin de toute pression », confie le coach.

Flamme olympique

Carlota et Dany travaillent ensemble à Villenave-d’Ornon, tandis que Lagaet, adversaire possible de son compère B-boy, s’isole à Bordeaux. Omar s’emploie à faire le trait d’union. Sans parti pris. Lors des entraînements, chacun peaufine sa panoplie de mouvements : toprock (pas de préparation debout), drops (passages au sol) freezes (positions statiques en arrêt sur image) et autres power moves (mouvements de rotation sur la tête, le dos…). « J’évitais de balancer sur les passages des uns et des autres, c’était la règle. Après, les profils étaient différents. Tant sur les points forts que sur les défauts à corriger. » La concurrence n’empêchait pas les retrouvailles le soir, pour grignoter un morceau.

Localement, Omar Remichi s’est toujours senti soutenu, que ce soit par la Ville de Villenave-d’Ornon ou par Bordeaux Métropole. « On m’a fait confiance pour organiser, dès 2021, le Championnat de France de breaking à l’Arkéa Arena. Il y avait 4 000 personnes dans la salle, c’était juste incroyable ! » En mai dernier, il est aussi retenu comme relayeur de la flamme olympique à Bordeaux. Il a porté le flambeau vers la place des Quinconces.

Des bords de la Garonne à la Concorde, Omar Remichi a goûté les beaux moments. « Dany n’était pas vu comme un favori incontestable au départ, admet-il. Ce n’était pas comme un Teddy Riner au judo, par exemple. »

Snoop Dogg

Et le 10 août, le duo réussit à décrocher la soixantième médaille pour la France. Il n’oubliera jamais l’ambiance, la ferveur populaire qui a déferlé dans l’arène parisienne, théâtre encore des épreuves de skateboard et de basket 3X3. « On a plié deux Américains très forts, dont Victor en demi-finale, champion du monde en titre. Les États-Unis avaient dépêché la grosse armada, soutenue par Snoop Dogg. Le plateau était très relevé, mais on connaissait tous ces gars. On les avait bien étudiés. »

À 36 ans, Dany Dann a accroché la scène, la lumière. Il a su gérer le stress et les regards. « Comme un bon vin, il s’est bonifié en maîtrisant sa danse », plaisante Omar Remichi. Le Girondin promet un temps fort de remerciements d’ici peu à Bordeaux. Son « poulain » viendra avec sa médaille d’argent. Et lui avec sa « bible » qu’il brandira sûrement tel un trophée. Ce document retrace l’histoire des performances de son ami (succès, échecs et modifications progressives) jusqu’au podium. « Le dernier jour, le 10 août, quand on a ouvert le bouquin, il s’est coupé en deux. J’ai voulu le partager mais Dany a insisté pour que je le garde. » Comme le squelette de deux âmes ayant gagné à se faire confiance.