Plutôt que de prendre ses jambes à son cou face à une époque anxiogène, elle préfère s’en servir pour danser. Ginga, ainsi s’intitule le cinquième album de notre Carioca de cœur, Brésilienne ayant débarqué un jour de fête de la musique pour faire carrière en France. « “Ginga” est une expression qui renvoie tout autant à un jeu de jambes qu’à une envie de faire bouger les lignes, nous explique Flavia Coelho dans le sous-sol d’un studio d’enregistrement du 5e arrondissement de Paris. Avant d’être une danse, la capoeira s’inspirait des mouvements de lutte des esclaves. »
Vêtue comme une ado en survêt’, la chanteuse allume une première cigarette. « Quatre ans et demi de thérapie m’ont permis de comprendre ce qui m’avait façonnée, poursuit-elle en balayant une mèche rebelle devant un bol de Chupa Chups. Nos vingt premières années de vie servent à ce qu’on se les remémore durant les vingt suivantes. Eh bien, c’est exactement ce qui est en train de m’arriver en ce moment ! »
Au début des années 1990, Flavia Coelho est une jeune fille qui s’ouvre au monde grâce aux radios libres qui fleurissent partout dans le pays depuis la fin de la dictature militaire cinq ans plus tôt. « Les premières élections démocratiques n’ont eu lieu que quatre ans plus tard. À l’époque, la musique ne nous parvenait qu’au compte-gouttes depuis l’Angleterre. C’était toute la vague de l’eurodance, mais aussi des DJ sets de Laurent Garnier, dont je m’évertuais à prononcer le nom. Ces mélodies s’entremêlaient à mon amour pour la soul music de Marvin Gaye et le funk de James Brown. »
Ces influences agrémentées de notes cap-verdiennes, sud-africaines ou vénézuéliennes se retrouvent en fusion dans les dix nouvelles chansons de Flavia Coelho, toutes imprégnées de tropicalisme, ce courant pop brésilien qui, porté par des artistes comme Gilberto Gil ou Chico Buarque, se voulait dès les années 1960 être une poche de résistance à la censure militaire.
« À 14 ans, j’ai pris la plus grande décision de ma vie en séchant l’école pour me rendre à un casting à l’autre bout de la ville »
Comme à cloche-pied, nous voilà alors projetés dans le décor d’une gamine rêvant de prendre le micro dans le quartier populaire de São Gonçalo, là où, en péri-phérie de Rio, les balles sifflaient déjà. « Enfant, je vivais dans la plus totale insouciance avec une mère élevant seule ses quatre gamins. Elle tenait un salon de coiffure. Quand elle partait travailler le soir dans les cabarets de la ville, ma mère nous emmenait tous les quatre sous le bras. »
À la mort de cette dernière, changement de programme : elle part, à 11 ans, s’installer chez son père, un ancien militaire devenu agent de sécurité le jour et docker la nuit. Fini, les sorties en boîte de nuit et les bandes de copains. « À 14 ans, j’ai pris la plus grande décision de ma vie en séchant l’école pour me rendre à un casting à l’autre bout de la ville. Bien sûr, je m’étais déjà grimée en Michael Jackson ou en Madonna, mais je n’avais encore jamais tenu un micro dans les mains. Trente ans après, c’est toujours ce fil de mon histoire que je continue de tirer. »
« En tant que musicienne, mon engagement se réduit à raconter le monde à travers des tableaux de vie »
En 2006, la musicienne, déjà bien intégrée à la scène locale, décide de tout plaquer, l’appart’, le chéri et le petit chien, pour prendre son envol pour Paris. « Après avoir été hébergée chez un couple de Français, j’ai pu prendre mon indépendance : un studio minuscule au septième étage sans ascenseur, mais avec vue sur la tour Eiffel. J’ai fait tous les petits boulots, nounou, femme de ménage, aide à personnes âgées, et beaucoup de chapeaux dans le métro. Je n’étais pas la seule : on était 500 000 dans la même situation. »
À l’heure où elle remplit des Olympia avec sa « bossa muffin » mélangeant rap, reggae, forró ou samba en un joyeux cocktail qui ne sonne en rien de manière artificielle, Flavia Coelho, du haut de ses 44 ans, se remémore aussi celles qui l’ont élevée dans ce quartier de São Gonçalo où il serait trop dangereux aujourd’hui de s’aventurer. « Bien loin du mythe de la Girl from Ipanema, ce sont toutes ces femmes venues du Nordeste qui ont fait le sud-est du Brésil en gardant les enfants, en étant aux fourneaux. Je ne suis pas journaliste : en tant que musicienne, mon engagement se réduit à raconter le monde à travers des tableaux de vie. Bouger, pour les peuples tiers-mondistes, c’est une manière de se battre contre la souffrance et la morosité du quotidien. » Mieux que la gigue, la ginga.
En concert le 23 août à Luzarches, le 27 septembre à Rouen et le 12 mars 2025 à l’Olympia.
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