À Paris, la société d’apiculture, centrale depuis près de 170 ans

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Les hausses ne se sont pas empilées très haut cette année, même si les abeilles en transe n’abandonnent jamais le travail. La faute à la pluie parisienne, qui a rincé le jardin du Luxembourg jusqu’au mois de juin. Comme ailleurs, les plantes mellifères n’ont pas beaucoup donné, et les butineuses ont trouvé bien peu de pollen à rapporter au rucher-école de la Société centrale d’apiculture (SCA). En principe, les étages s’empilent à mesure que les cadres se remplissent de nectar. « Les bonnes années ici, ce sont de vrais gratte-ciel, mais là on reste au rez-de-chaussée », se désole Marie-Laure Legroux, vice-présidente de l’association née en 1856, et que le Sénat a accueillie dès le début dans son palais de verdure.

« Ça me rappelle la fac »

Depuis une dizaine d’années, les cours d’apiculture sont pris d’assaut. Seuls 70 élus sont retenus chaque année. Les « auditeurs » sont assignés en petit groupe au suivi d’une ruche sur toute la saison. La formation théorique, elle, est dispensée à deux pas dans le pavillon Davioud, bâtiment emblématique du Luxembourg. « Il y a un examen de fin d’année, ça me rappelle la fac », s’enthousiasme Muna, docteure en pharmacie, auditrice cette année.

Rémi Brouard se dresse sur l’estrade, bâton de présentation en main. L’intervenant vient livrer les résultats de ses recherches contre la prolifération du frelon asiatique, devenue une plaie pour les écosystèmes européens. Un sujet d’intérêt public, comme l’exprime la SCA : « Ce sera à vous, ensuite, de former les gens, c’est la mission de votre génération », insiste le professeur qui a mené une expérimentation dans son département, les Côtes-d’Armor.

Au printemps 2023, sa campagne de piégeage sélectif à la sortie de l’hivernage a permis d’attraper 1 146 fondatrices avant qu’elles n’aient le temps d’installer leur nid. « En moyenne, nous avons eu 40 % de frelons en moins que l’année précédente », constate-t-il. Mais attention, ces campagnes ne doivent pas durer plus de cinq semaines, pour ne pas nuire aux autres pollinisateurs.

Place à la pratique. C’est le moment où les auditeurs, accompagnés de référents, enfilent leur combinaison, et ouvrent avec gourmandise la ruche qui leur a été assignée. « On met toujours un petit coup d’enfumoir avant, c’est notre manière de frapper avant d’entrer », indique François qui fait le point avec Diane, responsable de la n° 10. L’élève tire le cadre nappé d’ouvrières. Il faut apprendre à repérer les cellules royales pour les neutraliser et éviter l’essaimage.

Sur la n° 19, une inspection s’impose sur le « tiroir » sur lequel les abeilles se débarrassent de leurs « déchets ». Y a-t-il des larves de teigne ? Ou pire des Varroa destructor, espèce d’acariens qui parasite l’abeille, l’abeille adulte, les larves et les nymphes ? Autant de questions que l’apprenti apiculteur se posera seul, une fois diplômé.

Trésor de livres

La société savante ne se borne pas au Luxembourg. Les passionnés peuvent consulter les ouvrages de la bibliothèque de la rue Pernety (Paris XIVe). Un véritable trésor de 3 200 volumes, datant de 1598 à nos jours, sur l’apiculture, l’entomologie, la zoologie, la sériculture, ou l’horticulture.

Dans le local de l’arrière-cour, Thierry Duroselle, président de la SCA jusqu’en 2023, fait ouvrir quelques ouvrages remarquables : Portrait de la mouche à miel, d’Alexandre de Montfort, 1646 ; les 2 500 pages manuscrites de Charles-Paix Debeauvoys, 1690. La BnF, qui s’est émue de l’existence d’une telle richesse, vient d’intégrer les plus précieux ouvrages dans son programme de numérisation, sur la proposition du bibliothécaire-archiviste adjoint, Frédéric Eggers de Villepin.

L’organisation prospère en région parisienne. Au-delà des ruches pédagogiques au parc Georges-Brassens (Paris XVe) et celles du domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), l’association s’est installée dans le parc Georges-Valbon, à La Courneuve, ou dans le parc de la Poudrerie, à Sevran (Seine-Saint-Denis). La diversité des publics invite les bénévoles à faire de l’abeille un vecteur d’innovation sociale. Marie-Laure Legroux et Rémi Brouard ont ainsi monté un atelier d’apiculture en réponse au choc post-traumatique que rencontrent certains migrants.

« C’est une bonne formule d’ergothérapie, qui aide les exilés à s’extraire de leur environnement », explique le Breton. « Nous pensions avoir inventé quelque chose, mais nous sommes tombés sur un papier de 1919 qui utilisait exactement la même méthode pour les soldats de retour de la guerre de 1914 », complète Marie-Laure Legroux.

Vertus pédagogiques

L’apiculture ouvre des portes étonnantes. Sous la supervision de la SCA, des ruches partenaires ont été introduites au sein de l’Institut national de jeunes sourds de Paris (INJS) il y a quinze ans. Derrière la façade de la rue Saint-Jacques, se trouve un jardin d’un demi-hectare où se dresse le plus vieux poirier de Paris. Les abeilles font pleinement partie du projet pédagogique de l’établissement, détenteur du label Éco-École. Les élèves ont pour la plupart des difficultés en lecture et en écriture.

De la sixième à la troisième, l’apiculture est le liant qui permet de travailler en biologie, en mathématiques, en arts plastiques au moment de fabriquer les étiquettes, ou encore au moment de la vente après la récolte. « Tout ce qui invite à sortir, toucher, sentir, en dehors de l’enseignement classique, sert à mobiliser des facultés que les jeunes ne soupçonnaient pas toujours. Nous avons des élèves renfermés qui vont vraiment s’ouvrir à l’extérieur », indique Paul Flad, le directeur de l’établissement. C’est là, aussi, le pouvoir des ruches.

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Une pionnière toujours active

1856 : Henri Hamet fonde la Société économique d’apiculture, qui prendra plus tard le nom de Société centrale d’apiculture (SCA). La même année naît L’Apiculteur, revue publiée de 1855 à 1970. L’Apiculteur n’a eu de devancier que Bienen-Zeitung d’Eichstätt en Allemagne.

1920 : Jean Hurpin, membre de la SCA, cofonde le Syndical national d’apiculture (SNA). Ce syndicat publiera la revue L’Abeille de France, qui accueille L’Apiculteur lorsqu’il cesse de paraître en 1970. La revue devient alors L’Abeille de France et l’Apiculteur, qui continue de paraître.

1932 : Dans le cadre de l’Exposition universelle, l’organisation du 9e congrès international d’apiculture, qui se tient à Paris, est confiée à la SCA.

2024 : La SCA a formé 167 promotions d’apiculteurs, soit 18 000 personnes en tout.

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Dans la tête des abeilles

Martin Giurfa, docteur en neurosciences (Institut de biologie Paris-Seine).

« Enfant, j’avais déjà pris l’habitude de ramener toute sorte de créatures à ma mère. Cette curiosité envers les animaux ne m’a jamais quitté, et mon intérêt pour les abeilles est venu plus tard, étudiant, lorsque j’ai lu les travaux du Prix Nobel Karl von Frisch (1973), qui a été le premier à décoder entièrement un langage non humain avec ses travaux sur la danse des abeilles (1).

Pour lui – comme pour moi maintenant –, l’abeille était un « puits magique » sans fond. Beaucoup de généticiens se sont intéressés à la mouche du vinaigre (drosophile). Mais pour un neuro-éthologiste, son comportement apparaît plus limité que celui de l’abeille, qui avec les fourmis et les guêpes, est un des rares insectes à avoir une organisation sociale très poussée.

Il est aujourd’hui possible d’étudier en détail le cerveau de l’abeille, malgré sa taille réduite (1 mm3). Grâce à des outils de microscopie en 3D, nous pouvons regarder la connectique entre deux neurones. Nous pouvons aussi mesurer l’activité de ces neurones par imagerie calcique : quand un neurone est actif, il produit du calcium. Grâce à un colorant phosphorescent qui se lie à ce calcium et qui produit de la lumière lors de cette union, nous pouvons suivre la dynamique.

Son cerveau possède deux hémisphères, avec des centres spécialisés pour l’odeur, la vision ou le goût, mais aussi des centres qui intègrent ces différentes informations. L’abeille est capable de mémoriser des informations sur plusieurs jours ; dans son cerveau, on observe des cascades moléculaires comparables à celles qui chez nous sont responsables de mémoires à long terme. Dans son environnement, l’abeille peut naviguer de longues distances (10 à 15 km) afin de butiner et ramener de la nourriture à la colonie. Elle dispose aussi d’une horloge interne qui lui permet d’adapter ses activités au moment de la journée.

L’abeille est capable d’apprendre en observant une autre abeille. Si elle voit une autre abeille choisir entre deux fleurs artificielles, l’une avec une récompense, et l’autre sans rien, elle ira directement vers la bonne fleur quand son tour viendra. Les abeilles sont capables de prendre des décisions collectives. Si la danse d’une ruche est divisée entre celles qui indiquent le nord et d’autres qui indiquent le sud, elles vont finir par se mettre d’accord sur une direction une fois qu’une des danses obtient un quorum nécessaire à emporter la majorité. C’est une société qui fonctionne très bien !

Avec seulement 900 000 neurones dans leur petit cerveau, les abeilles peuvent compter jusqu’à 5, contre 6 pour les corbeaux et 9 pour certains singes ! Elle est capable d’intégrer des concepts, une révolution chez les invertébrés ! Et les découvertes continuent. En 2022, mon confrère Songkun Su (université de Fuzhou, Chine) et moi avons publié un article dans la revue Science, qui met en évidence le système du vouloir et de l’appétence chez l’abeille : lorsqu’elle danse ou quand elle se dirige vers une source alimentaire appétissante, elle produit un niveau élevé de dopamine dans son cerveau, ce qui ressemble à ce qui se passe dans notre cerveau quand nous sommes motivés par des buts désirables.

Le 19 avril dernier, j’ai fait partie des premiers 40 chercheurs qui ont signé la « déclaration de New York sur la conscience animale », signée depuis par 287 chercheurs. L’abeille et d’autres animaux donnent à réfléchir sur la façon dont nous traitons vertébrés et invertébrés, pour l’élevage comme pour la recherche. Nous allons de nouveau nous réunir pour travailler dessus, cela pourrait changer la vision et la responsabilité que nous devrions avoir sur le monde vivant qui nous entoure. »

(1) Vie et mœurs des abeilles, 1953.

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